Les grandes histoires commencent parfois par une simple invitation.
L'histoire du jour nous emmène sur la glace de l'impressionnant fjord du Saguenay. Attrait touristique indéniable de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Des paysages grandioses forment ce territoire surréaliste. Des falaises abruptes aux teintes occasionnellement ocre viennent littéralement plonger dans les eaux profondes et glacées de ce sanctuaire de la pêche sur glace.
Car c'est bien cette activité qui m'a amené à côtoyer le fjord glacé pour la première fois. Une invitation à passer une nuit blanche sur la banquise de cet endroit des plus photogénique. C'est donc avec mon ami Louis-Alexandre que je suis parti retrouver Carl. Un autre de mes amis qui est installé dans cette région depuis plusieurs années maintenant. Équipé pour ce genre d'activités, mais surtout passionné au plus haut point de cet art à part entière.
Le mot d'ordre du jour est " Baie-Éternité". Car c'est dans ce lieu qualifié d'être le plus majestueux endroit du fjord que nous allons passer la nuit, essayer de pêcher également. Parce qu'ici, il ne s'agit pas d'une bête activité pour passer le temps, mais bel et bien d'une vraie tradition hivernale pour les gens de la région.
Après plusieurs minutes de motoneige, nous arrivons sur la glace. Des Cabanes de pêche ici et là donnent l'allure d'un véritable petit village perdu au milieu d'une immensité blanche. À mesure que nous avançons sur la banquise, le paysage se dessine un peu plus. Nous sommes littéralement pris en tenaille par d'impressionnants caps rocheux faisant penser à une longue muraille naturelle.
En les suivant du regard, je m'aperçois qu'elles vont jusqu'à l'horizon qui me semble lointain. Sous la motoneige qui nous traine tous les trois, plus de sept-cents pieds nous séparent du fond. Parfois jusqu'à neuf-cents à certains endroits. L'impression de se mouvoir sur un géant de glace se fait peu à peu ressentir. Le bruit de la glace qui craque et du vent qui souffle donne littéralement vie à ce paysage.
La contemplation m'a fait oublier que la motoneige était à l'arrêt depuis plusieurs minutes. Nous sommes arrivés.
Il faut installer le camp au plus vite. La nuit commence à tomber et le mercure également. Du moins, c'est ce qu'essayent de me signaler mes doigts ainsi que mes orteils.
Malgré les signaux qui font office d'avertissement, chacun met la main à la pâte pour que nous puissions nous mettre au chaud au plus vite. Il faut de temps en temps enlever nos gants pour être plus efficace. Et, ça nous rappelle à chaque fois que l'on est bien content de les avoir.
La tente est installée, et les derniers rayons du soleil disparaissent peu à peu. Les falaises et la glace se teintent d'orange et de rose. Une dernière bouffée de couleurs avant la noirceur de la nuit.
Carl perce les trous pour que nous puissions mettre nos canes à l'eau. Louis Alexandre commence à installer nos différents leurres et appâts. Moi, comme à mon habitude, j'immortalise cet instant avec mon appareil photo. Il reste douze heures avant le levé du jour. Douze heures avant que ce paysage replonge de nouveau dans la lumière.
La nuit annonce son lot de surprises. Alors que je laisse doucement tomber mon leurre dans les profondeurs du fjord, une question me taraude. Pourquoi n'ai-je pas mis une deuxième paire de chaussettes ?...
Je vais avoir le temps d'y réfléchir pendant les douze prochaines heures.
Le fil s'arrête, je sens une légère vibration. Ça y est, j'ai touché le fond.