Chouette malgré moi

Chouette malgré moi.

Autant que je me souvienne, j'ai toujours apprécié l'été. 

Le dense feuillage des arbres me procure un camouflage naturel qui me permet d'être invisible aux yeux du monde pendant une longue partie de l'année.
Je mène une vie dure ou chaque jour est un combat pour me nourrir et assurer confort à ma progéniture.


Ça n'est pas toujours évident. Malgré mon disque facial qui me permet de capter le son avec précision, la végétation estivale gêne considérablement ma vision pour repérer mes proies au sol. 

Écureuil, rongeurs et autres petits mammifères. D'ordinaire, mes yeux fixes à orbites tubulaires font le travail une grande partie de l'année pour repérer mes proies.


Heureusement que mon ouïe exceptionnelle est également là pour me prêter main-forte quand cela devient plus compliqué.
J'attends alors l'hiver avec une grande impatience. La forêt se dénude de toute feuille et un voile blanc l'habille pendant plusieurs mois.

Un environnement idéal pour chasser en utilisant efficacement toutes mes facultés.



Après ses longues nuits de chasse qui me permette de me nourrir et de ce fait de survivre à l'hiver, je prends le temps de me reposer la journée. 

J'aime bien me dissimuler du mieux que je peux pour ne pas être dérangé. Cependant, mon repos est toujours de courte durée. 

Je ne comprends pas encore pourquoi, mais il y a toujours de nombreux humains qui se places au pied de mon perchoir. 

Pire que ça, j'ai souvent l'impression qu'ils me traquent.

Ils restent statiques, parfois de longues heures, à m'observer. Au bout d'un moment, je reprends ma sieste sans me soucier d'eux.

Après tout, la plupart d'entre eux me laissent tranquille, alors autant vivre ma vie.

De toute manière, je n'ai pas le choix. Une nuit de chasse m'attend donc je dois me reposer pour être efficace et trouver à me nourrir. Ma survie en dépend après tout.

J'ouvre occasionnellement un œil pour observer les allers-retours des humains. Certains partent et d'autres arrivent. Toujours les bras chargés d'étranges appareils. 

Soudain, je sens un énorme tremblement qui émane de l'arbre. Je dois ouvrir mes deux yeux pour vérifier ce qui se passe. À cet instant, j'entends une multitude de bruits de claquement qui émane des étranges appareils des humains.

Puis j'aperçois un humain en contrebas avec les deux mains posées sur l'arbre qui me sert de perchoir.

  Pourquoi le secoue-t-il ?


Je me déplace légèrement sur le côté de la branche pour garder mon équilibre. 

Le claquement de leurs appareils s'accentue aussitôt.
C'en est trop pour moi. Je dois partir et trouver un endroit plus calme. La nuit arrive à grands pas et je dois vraiment me reposer.


Je déploie alors mes ailes et décolle en direction d'un endroit à l'abri de leurs regards. Je dois me ménager et garder mes forces.
À mesure que je vole, je me questionne sur cette étrange pratique.

 J'avais déjà vu quelque chose de similaire l'hiver dernier avec un compagnon hibou moyen-duc.


Un humain avait secoué la branche où il se tenait avec une grande perche accrochée à son étrange appareil.


Peut-être que ces humains nous chassent également pour survivre et passer au travers de l'hiver ?


Si ce n'est pas le cas, alors pourquoi ?


Le printemps est encore loin. J'espère que je n'aurai pas à puiser dans mes réserves d'énergie chaque jour pour trouver la tranquillité.
Je repense aux feuillages denses des arbres qui me permettaient de vivre caché des autres.


Ils me manquent...


L'hiver est pourtant fait pour moi. Malgré sa dureté, j'y suis adapté. La nuit arrive, je dois arrêter de me torturer l'esprit.
Demain sera un autre jour et j'espère que les humains seront plus indulgents avec moi.


Le cas contraire, j'espère que malgré la barrière du langage, ils arriveront à lire dans le noir de mes yeux 

: Laissez-moi tranquille.

La tête dans les nuages